Trois
jours durant Montpellier était la capitale mondiale de l’information.
Cette ville a réuni du 12 au 14 Juin 2013, journalistes et citoyens
journalistes venus des quatre coins de la planète. Montpellier peut se
vanter d’avoir été le théâtre de débats passionnants entre les gens qui
relatent les faits et ceux qui écrivent l’autre l’histoire. La toute
petite, celle qui ne fait pas la une de l’actualité, qu’on ne regarde
pas aux infos de 20h, en tout cas pas celle dont se satisfont les
téléspectateurs assis au chaud dans leur salon.
Les rencontres 4M de Montpellier ont soulevé des questions
essentielles à l’heure ou le métier de l’information avec l’avènement de
l’internet et des réseaux sociaux connait un bouleversement
fondamental.
Donner l’information est-il l’apanage des journalistes? Peut-on faire
confiance à une information donnée par un simple citoyen qui n’a pas
appris la déontologie et l’éthique journalistique ? Le métier du
journaliste est-il en danger si tous les citoyens se mettent à donner de
l’information via les réseaux sociaux? Quel avenir pour les medias
traditionnels ?
Je me souviens de cette remarque de Philipe Couve qui m’a décroché un
sourire : « que les journalistes se rassurent, j’ai croisé plusieurs
blogueurs aucun d’eux n’a l’intention de vous prendre votre boulot. En
général les blogueurs sont des gens qui ont déjà un métier. Ce sont
parfois des médecins, artistes, cuisiniers etc. »
Nous assistons aujourd’hui au bouleversement d’un ordre établi et
personne ne sait jusqu’ou cela ira. Je parle ici de l’information
verticale. Les rédactions savent à-présent que cette dictature qui leur
permettait dans le passé de hiérarchiser les informations à leur guise
et passer sur leurs ondes uniquement ce qu’ils jugent important est
révolu. Que cette aliénation, cette manipulation à grande échelle dont
je parlais dans Couleurs tropicale et qui veut que cela soit les
politiques et les medias qui décident vers quel coté on doit orienter
nos regards.( Et il faut être dans le secret des dieux pour savoir
pourquoi aujourd’hui on allume les projecteurs sur tel pays ou tel
évènement alors qu’aux quatre coins de la planète il se passe des choses
préoccupantes dont personne ne parle.) est en voie de disparition.
Aujourd’hui il y’a une nouvelle tendance. Les journalistes sortent de
moins en moins des scoops mais les blogueurs sont nombreux à faire le
buzz. Des citoyens lambda, activistes des droits de l’homme, artistes
à-travers leurs plumes révèlent à la planète entière des faits qui
échappent aux professionnels des medias ou plutôt des faits que les
medias par contraintes professionnelles passent sous silence. Le sujet
de la réunion d’urgence sur la RCA organisée par Médecins Sans
Frontières France à laquelle j’ai été invité à prendre part corrobore
ces propos : Comment remettre la RCA sur l’agenda international ?
De retour d’une mission de 2 semaines en Centrafrique cette ONG fait
le bilan d’une situation humanitaire au dessus du seuil de l’urgence.
Mais aussi surprenant que cela puisse être la RCA semble oubliée de tout
le monde, autant des medias que des institutions internationales.
Trois mois après la prise du pouvoir par la rébellion seleka le
quotidien des centrafricain est fait d’assassinat, de meurtres, de
pillages et de viols etc.
La communauté internationale impose comme condition pour une aide
financière la sécurisation du pays, or celle-ci ne peut se faire sans le
désarmement des éléments de la Seleka. Une rebellion constituée de
plusieurs factions rebelles. Toute la racaille qu’on pouvait trouver en
Centrafrique, au Tchad et au Soudan. Ce désarmement est toujours rejeté
aux calendes grecques parceque ces derniers veulent être payés,
Seulement Michel Djotodja n’a pas un rond et personne ne veut payer les
mercenaires. Alors ils se payent tranquillement en pillant la population
et en se comportant comme s’ils étaient encore au maquis. Mais cela
personne n’en parle.
Du coup ce sont les centrafricains qui s’emparent de la chose. J’ai
plus de quatre milles amis sur facebook pour la plupart des
centrafricains qui n’ont pas accès aux medias traditionnels et c’est sur
ce réseau social qu’ils poussent leur cri du cœur et denoncent les
exactions de la seleka.
Presque tout le monde (jeunes, vieux, commerçants, lycéen, universitaire) est présent sur l’internet et les réseaux sociaux.
Ces réseaux sociaux servent entre-autre à communiquer, échanger,
voire donner des alertes. En un mot ce sont des medias (moyens de
diffusion d’informations).
Ces nouveaux medias peuvent-être utiles à la fois pour les médias traditionnels et les populations de plusieurs manières :
D’abord les populations des zones reculées, souvent oubliées des
autorités du pays et coupées du reste du monde. Dans les grands medias
on en touche un mot de temps à autre quand il s’y passe un événement
majeur. Encore que la classification des informations en « la une de
l’actualité » ou fait de moindre importance dont il faut toucher juste
un mot dépend de chaque rédaction.
Du coup personne ne peut mieux parler d’une région, la faire
connaitre, montrer ses problèmes au monde entier que les autochtones. Ce
travail revient aux journalistes citoyens issus de ces communautés qui
écrivent sur leurs réalités et rendent ainsi service à leurs
communautés.
Une radio FM est limitée dans un espace bien déterminé alors que si
vous postez un contenu en ligne dans la seconde qui suit vous mettez le
monde entier au courant de vos problèmes. Non seulement vous pouvez
avoir de l’assistance en ligne, des expériences qui ont marché ailleurs
qu’on peut adapter dans votre contexte mais encore faire à-travers votre
simple publication un plaidoyer auprès de la planète entière, et auprès
des partenaires au développement pour voler à votre secours
On peut ne pas émettre en streaming mais mettre les contenus de nos
productions (textes, sons, photos sur le web) pour créer des
interactions et susciter les réactions des internautes sur les contenus
de nos programmes. A ce moment l’association de l’internet et du média
traditionneldonne une valeur ajoutée au travail du journaliste. Ces
derniers devraient poursuivre les debats traités dans leurs émissions
sur le net (blogs et réseaux sociaux) pour créer l’interaction et donner
la chance à un plus grand nombre de gens d’en discuter. Beaucoup de
jeunes n’écoutent pas la radio mais peuvent cliquer sur le lien d’un
article au titre racoleur à-partir de facebook ou twitter et avoir ainsi
accès à cette information.
Ensuite même dans les grandes rédactions, il y’a des sujets qui sont
purement et simplement écartés. Ceci à cause des mœurs locales, de la
législation en vigueur dans le pays, de la ligne éditoriale de la
station. Ces sujets peuvent être traités par un journaliste membre de la
rédaction sur son blog, et permettre ainsi à son lectorat de débattre
du sujet rejeté par sa redaction. ( :
http://rcainfo.mondoblog.org/2013/05/17/ils-sont-journalistes-et-homophobes/)
Autre raison de tenir compte du travail du journaliste citoyen, c’est
que les journalistes ne sont pas toujours là à l’heure H où se passe un
événement. Une photo, une vidéo, une dépêche d’un citoyen peut-être
ensuite utilisée par les medias traditionnels.
Donner de l’information est-il l’apanage des journalistes ? Un
citoyen n’a-t-il pas le droit de se prononcer sur un sujet qui le
touche en particulier ? (les blogs sont une mines d’informations et de
sujets de reportages, écrit par des citoyens et pouvant être reprit par
les rédactions. Je me suis plusieurs fois amusé à proposer en séance de
rédactions des sujets de blogueurs de la plateforme Mondoblog et des
mondoblogueurs en particulier, sujet acceptés par la rédaction. Il y’a
des choses qui nous échappent au profit des grandes, des informations
institutionnelles, les blogs ont l’avantage de traiter d’abord la
proximité). D’autres encore ont une connaissance plus technique et
scientifique de certaines questions et ils en traitent avec aisance sur
leur blog
Le rôle du journaliste est de rechercher et vérifier l’information
avant de la diffuser au public. Les blogueurs utilisent le plus souvent
les genres d’opinions. Le blog peut dans ce cas apporter un plus
à-travers une vision décalée de la situation. Le blogueur qui écrit sur
un sujet n’a pas les mêmes contraintes professionnelles que le
journaliste (ligne éditoriale, charte, format de quelques secondes etc.)
A Radio Ndèkè-luka par exemple, il est clairement dit dans la charte
que
Radio Ndeke-luka diffuse les faits et s’interdit tout commentaire.
Cependant, après la réponse aux 5 W (qui a fait quoi, quand, où et
pourquoi ?) le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur qui est
particulièrement concerné par le sujet a besoin d’en savoir plus : « Le
pourquoi du comment », quelles sont les éventuelles conséquences etc.
A ce moment un blog qui se contente de genres factuels et donne les
informations comme les medias traditionnels représente peu d’intérêts.
Il existe des milliers de medias avec de grands moyens capables de faire
la retransmission en direct d’un événement, d’interviewer les
principaux acteurs et qui ont en terme de crédibilité un clair avantage
sur le blog. Ce qui est plus intéressant à mon humble avis c’est soit un
témoin oculaire qui écrit son témoignage, le blogueur qui raconte les
choses d’une autre manière que les médias traditionnels qui eux ne
privilégient pas forcement certains aspects importants pour les
concernés. Ainsi que les commentaires, analyses avec images ou vidéos à
l’appui de ces informations. Un blog doit rechercher le plus qui n’est
pas dit aux infos au lieu de faire le même travail que les medias
traditionnels. Il contribue ainsi à ne pas sevrer celui qui a envie d’en
savoir plus sur un évènement.
Notre métier est-il en danger si tous les citoyens deviennent des journalistes ?
Au contraire nous avons besoin de ces chasseurs d’informations et
d’images qui peuvent immortaliser un évènement quand aucun journaliste
n’est présent au moment M où se déroule l’action. De plus en plus de
médias utilisent les éléments et associent même ces journalistes
citoyens(les observateurs de France 24, mondoblog avec RFI)
Le travail du journaliste et du blogueur sont complémentaires. Le
plus important c’est l’auditeur, le téléspectateur ou le lecteur. Il
faut lui donner la possibilité d’avoir une vision panoramique de la
situation.
La question du groupe cible est également important, on ne blogue pas
pour les mêmes groupes cibles. Tout comme il y’a des medias spécialisés
en politique, en sport, en art et culture ou en économie etc. un blog
doit adapter son contenu à son lectorat. L’information est comme un
produit de consommation et doit répondre aux aspirations des
consommateurs. S’il existe des medias d’information générale ce n’est
pas la même chose quand on décide de créer un blog où on parle à la fois
de cuisine, de football et de philosophie on a très peu de chance de
fidéliser un lectorat.
Les medias sérieux recherchent vérifient et diffusent les
informations après plusieurs recoupements. Le blogueurs n’est pas tenu
par ces règles déontologiques. Du coup on peut être amené à penser que
ses informations, analyses et commentaires sont très subjectifs et ne
méritent pas qu’on y accorde beaucoup de crédit. Sauf que même dans les
medias traditionnels en traitant un sujet on est soumis à ce difficile
exercice de casting des invités : Entre le témoin qui raconte, l’expert
ou le spécialiste qui explique, le leader d’opinion qui prend position,
la victime qui témoigne c’est au public de se faire sa propre opinion
par rapport à tout ce qui est dit. Dans quelle position doit se poser un
blogueur qui écrit en général sur un sujet qui l’intéresse (pas qu’il
maitrise forcement) et qui donne ainsi par ses interrogations la
possibilité à son lecteur d’apercevoir une facette du problème posé ?
Celui de témoin, du spécialiste, de victime ? Sa position détermine
l’intérêt qu’on pourrait porter à son travail.
Maintenant le journaliste que je suis ne souhaite pas qu’à la fin du
mois son patron lui dise qu’il n’aura pas de salaire parcequ’on arrive
pas à vendre…Faire face à la concurence de ces nouveaux medias qui
donnent l’information gratuitement et arriver à payer les factures,
assurer l’avenir d’un metier. Je ne suis pas un Pierre Hasky pour
repondre à cette interrogation…à chacun son boulot !