Du regret. Un énorme regret. C’est ce sentiment qui assurément domine
chez les sportifs sénégalais, après l’élimination en Coupe du mode des
Lions par une Côte d’Ivoire que d’aucuns ne savaient pas aussi
vulnérable.Le principal regret porte sur le match aller, joué sur le
mode ‘’portes ouvertes’’ aux déboulés du feu-follet Gervinho qui s’en
est donné à cœur joie. Dribblant à tout vent, centrant sans retenue et
servant sur un plateau d’argent ses coéquipiers de l’attaque qui n’ont
véritablement pas traduit en buts la générosité de l’attaquant de l’AS
Rome.
Tout autre a été le match retour de Casablanca où,
troquant son look du bon Dr Jekyll contre celui du méchant Mister Hyde,
les Lions ont fait passer quelque 80 mn d’enfer aux Eléphants. Et
jamais, peut-être de mémoire d’Ivoirien, la bande à Didier Drogba et
Yaya Touré n’a été autant dominée, ballottée aux quatre coins du terrain
par une équipe du Sénégal que plusieurs de ses supporters avaient du
mal à reconnaître. Les Lions voulaient bouffer manifestement de
l’Eléphant…
Pour éviter de finir dans la casserole, Yaya Touré,
le seul africain nominé au Ballon d’Or, mit son orange, pardon bleu de
chauffe, pour suppléer Gosso Gosso dans son rôle de Demolition man,
pendant que l’emblématique Drogba fuyait le sévère marquage de Kara
Mbodj et de Djilabodji pour un retour en zone dans sa propre défense.
Histoire de prêter main forte à Kolo Touré et Didier Zokora, constamment
stressés par les incessants harcèlements de Sadio Mané.
Cependant, si ce dernier a pu confirmer tout le bien qu’on pensait de
lui, c’est qu’il a bénéficié du travail de sape de la défense, mais
aussi et surtout de ses compères du milieu.
A l’image de Salif Sané, le milieu sénégalais a noyé
celui d’en face, permettant un meilleur déploiement de l’armada
offensive. Dommage qu’un buteur froid, réaliste, a fait défaut aux
Lions…
Le changement de jeu de l’équipe est merveilleux certes, mais qu’on
n’aille pas chercher loin : il procède d’un changement d’hommes. Dans
son épine dorsale, c’est-à-dire la défense et le milieu, elle a subi de
profondes mutations qui lui ont conféré cette fière allure que tout un
chacun se plait à relever.
Forcé de changer en privilégiant le sportif sur l’affectif, Giresse a
fini par comprendre qu’en plus du talent, un match se joue et se gagne
souvent par des joueurs qui en ont envie.
Piaffent d’impatience de monter qu’ils peuvent servir
à autre chose qu’à cirer le banc. ‘’Gigi’’ est bien placé pour le
savoir, dans la mesure où c’est une attitude de révolte pour qu’on lui
donne sa chance qui a fait que Tigana est devenu titulaire dans l’équipe
de France pour former avec lui, Platini et Fernandez le fameux carré
magique des Bleus de 1982.
En plus de l’envie, à l’origine pour une plus large part de la
prestation haut de gamme des Djilabodji, Salif Sané, Kara Mbodj et
Stéphane Badji, Giresse qui, comme tous les Sénégalais, sait qu’il tient
depuis samedi la base d’une équipe compétitive, doit élargir celle-ci.
En cherchant constamment le ou les éléments capables d’apporter un
plus.
Ce qui fait que les adversaires ont toujours du mal à
vous égaler ou mettent du temps pour le faire.
Sabri Lamouchi ne l’a-t-il pas compris ou n’a-t-il pas pour le moment le
choix ? Toujours est-il que ses Eléphants qui peinent à se renouveler
donnent l’impression d’être vieillissants et manquent de spontanéité,
voire du coup de rein qui fait la différence. A l’image de Drogba se
faisant chiper très proprement une balle de but par Kara Mbodj.
Elle était ordinaire, très ordinaire cette équipe ivoirienne, aux dépens
de qui Sadio Mané et ses coéquipiers ont prouvé une fois de plus cette
vérité biblique du football :
qui tient le ballon a l’initiative du jeu. Et du coup
confine l’adversaire au rang de spectateur ou de dératé courant dans
tous les sens à la recherche d’un ballon invisible et tremblant à l’idée
d’encaisser le but à chaque attaque.
Samedi à Casablanca, Drogba et compagnie ont quasiment été dans cette
position suicidaire jusqu’à l’ultime minute où un fantomatique Kalou a
marqué le but égalisateur.
CTN/SAB